
Keith Haring
1958-1990
DÉMOCRATISER POUR MIEUX LUTTER

Keith Haring, Anti-Nuclear Rally (affiche), 1982, lithographie sur papier glacé, 61,3 x 45,7 cm.

Keith Haring, Michael Stewart – USA for Africa, 1985, émail et acrylique sur toile, 295 x 367 cm.

Keith Haring, Untitled (Aids), 1985, huile sur vinyle, 300 x 300 m.

Keith Haring, Untitled, 1988, encre sumi sur papier, 57 x 76 cm.

Keith Haring, Untitled, 1988, gouache et encre sumi sur papier, 30 x 40 cm.
Par ailleurs, le début des années 1980 est surtout le moment de la propagation massive d'un des plus grands fléaux de cette fin de siècle : le virus du sida. L’épidémie touche plus particulièrement la communauté homosexuelle (on parle alors de « cancer gay ») et décime toute une génération de personnes qui ne reçoivent aucun soutien des pouvoirs publics. En effet, en 1981, le président Ronald Reagan rejette un projet de loi visant à financer la recherche et l’éducation par rapport au sida. Il faudra attendre 1984 pour que cette initiative soit prise.
Malheureusement, en 1985, le scandale de l’affaire Ryan White éclate aux États-Unis. Après avoir été diagnostiqué séropositif suite à une injection de sang contaminé, ce jeune hémophile de 13 ans s’est vu insulté, menacé et stigmatisé par son entourage et des inconnus. Ne pouvant ignorer cette affaire Keith Haring peint en 1985 une toile représentant la pression sociale pesant sur les malades du sida : la victime (signifiée par une croix rouge) est représentée comme une figure monstrueuse à la chevelure tentaculaire. Le visage en larmes, il hurle, harcelé de toutes parts. Il inspire la terreur et l’angoisse, il représente la sexualité monstrueuse associée à la maladie.
D’autres œuvres de Keith Haring représentent le virus du sida comme étant une sorte de spermatozoïde noir avec des cornes de diable, détruisant tout ce qu’il touche et se transmettant d’un personnage à l’autre.
● « Death of Michael Stewart » in Wikipédia [en ligne]. Disponible sur : <https://en.wikipedia.org/wiki/Death_of_Michael_Stewart> (consulté le 16/04/2017).
● JOIGNOT Frédéric, « Keith HARING. Conjurer la peur du sida en peignant la vie et le plaisir », 20 septembre 2016, in Le Monde [en ligne]. Disponible sur : <http://sexe.blog.lemonde.fr/2016/09/20/keith-haring-conjurer-la-peur-du-sida-en-peignant/> (consulté le 17/04/2017).
● Maripol, Keith Haring, The Message, 2013, in Dailymotion [en ligne]. Disponible sur : <http://www.dailymotion.com/video/xzb9ki_keith-haring-the-message-version-integrale_creation> (consulté le 14/04/17).
● YOUSSI Yasmine, « Keith Haring, l’homme qui faisait parler les murs de Manhattan », 2013, in Télérama [en ligne]. Disponible sur : <http://www.telerama.fr/scenes/il-faisait-parler-les-murs-de-manhattan,96281.php> (consulté le 14/04/17).
L’art coloré, dynamique et presque enfantin de Keith Haring nous ferait presque oublier qu’il est fortement engagé et impliqué dans des problématiques contemporaines : ainsi Keith Haring dénonce le racisme, le nucléaire, la guerre, les massacres commis au nom de la religion, le colonialisme, l’homophobie et la stigmatisation des victimes du sida. De plus, le fort pouvoir attractif de ses œuvres et leur propagation à travers le monde lui permettent de faire entendre ses messages de manière plus efficace.
Les années 1980 sont marquées par la peur du nucléaire. En effet, la guerre froide et toujours d’actualité et la course à l’armement des deux blocs fait craindre une troisième guerre mondiale aux conséquences apocalyptiques. Keith Haring s’implique aux côtés des activistes antinucléaires et le fait ressentir dans ses toiles.
En 1985, lors d’une de ses expositions à la galerie Tony Shafrazi, Keith Haring présente une toile dénonçant le meurtre de Michael Stewart. En effet, en 1983, ce jeune afro-américain avait été arrêté et battu par des policiers pour avoir réalisé des graffitis dans le métro, avant de décéder des suites de ses blessures quelques jours plus tard. L’affaire fît scandale et relança le débat sur les violences policières, en particulier lorsqu’elles touchent la population afro-américaine. L’œuvre de Keith Haring représente Michael Stewart dans une scène très violente, le visage exprimant la terreur. Il est nu et impuissant pendant que des mains l’étranglent et qu’un squelette le menotte. Autour, des personnages ferment les yeux et d’autres se noient dans une rivière de sang.
Keith Haring apprend sa séropositivité en 1988 bien qu’il l’avait déjà pressenti avant comme en témoigne ces quelques lignes écrites dans son Journal le 28 mars 1987 : « Mes jours sont comptés. […] Avec la vie amoureuse que j’ai eue, le grand nombre de rencontres sexuelles que j’ai faites, je dois être atteint... ». En 1989, l’artiste crée alors la Keith Haring Foundation qui a pour but de perpétuer son héritage artistique, soutenir la création et venir en aide aux enfants défavorisés et aux malades du sida. Il tente à travers ses œuvres de réhabiliter les malades en dénonçant leur ostracisation par la société, mais aussi d’informer sur le virus et de promouvoir les rapports sexuels protégés, comme le montre sa toile Safe Sexe dont le titre est évocateur.
Cette idée va de paire avec le fait qu’il ne va jamais renier sa sexualité. Au contraire, il continue de l’exalter à travers des créations exprimant une intense joie de vivre, comme on peut le voir dans sa fresque orgiaque de 1989, peinte dans une salle de bain du Lesbian, Gay, Bisexual and Transgender Community Center de New York. Intitulée Once Upon a Time, cette œuvre met en scène des personnages flamboyants animés d’une vitalité sexuelle assumée, mais tout en évoquant la nostalgie d’une époque fantasmée, celle de la libération sexuelle des années 1970 telle que Keith Haring la conçoit.

Keith Haring, Safe Sex, acrylique sur toile, 305 x 305 cm.

Keith Haring, Once Upon a Time, 1989, peinture murale, Lesbian, Gay, Bisexual and Transgender Community Center, New York.

Keith Haring, Once Upon a Time, 1989, peinture murale, Lesbian, Gay, Bisexual and Transgender Community Center, New York.