
Keith Haring
1958-1990
DÉMOCRATISATION ET MERCHANDISING
Keith Haring élargit la notion d’art et brise les frontières entre l’art conventionnel et l’art commercial en s’inscrivant dans la lignée du Pop Art et de son mentor Andy Warhol. Sa démarche de démocratisation de l’art atteint son paroxysme en 1986, au moment où il ouvre son Pop Shop dans le quartier de SoHo, au 292 Lafayette Street. Son objectif est de faire un art véritablement populaire et abordable pour tous. Il vend ainsi ses œuvres sur des t-shirts, des vestes, des casquettes et des posters, à des prix raisonnables, là où ses toiles se vendent à des prix exorbitants dans les galeries d’art. Son idée est radicale et novatrice pour l’époque. Aucun artiste issu des beaux-arts n’avaient eu l’idée avant lui de faire du merchandising ; et il est aujourd’hui considéré comme un pionnier en la matière.
Cependant, si Andy Wharol le soutient, sa démarche n’est pas appréciée dans tous les milieux artistiques qui lui reprochent notamment de rendre son art trop accessible et commercial. Pourtant, le message de Keith Haring est plus anticapitaliste qu’il n’y paraît. En effet, dès 1983, le marché de l’art explose en raison de la reprise économique et de la résurgence de Wall Street depuis l’arrivé du président Ronald Reagan au pouvoir. Tout comme la drogue et l’immobilier, l’art devient un moyen de spéculation. Plus de deux cents galeries ouvrent dans l’East Village. Au même moment, le succès de Keith Haring est grandissant et certaines de ses œuvres réalisées dans le métro sont volées pour être revendues. Ainsi, de même qu’il luttait en 1983 contre cette économie de marché en continuant, malgré sa notoriété, à travailler dans la rue et dans le métro, en 1986, l’ouverture de sa boutique apparaît comme une critique du système économique, de la société de consommation et du pouvoir des entreprises. Loin d’être un pur acte commercial, la création du Pop Shop est une critique politique.
En revanche, on peut s’interroger aujourd’hui sur l’objectif de la production industrielle en série de produits dérivés à l’effigie des œuvres de Keith Haring. Des produits qu’on retrouve dans des boutiques de musée, des boutiques d’ameublement et d’accessoires pour maison ou même dans des boutiques de vêtements. Qu’en est-il de l’héritage anticapitaliste de l’art de Keith Haring aujourd’hui ? Plus largement, cette question pourrait aussi très bien s’appliquer à tous les produits dérivés d’œuvres artistiques destinés à un commerce de masse.

Keith Haring, Untitled (body painting), 1984, peinture acrylique sur le corps de Grace Jones. Photographie : Robert Mapplethorpe.

En 1987, Keith Haring réalise une peinture sur une BMW Z1 rouge à la Hanse Mayer Gallery, à Düsseldorf.

Keith Haring, Acrobats, 1986, peinture sur aluminium, 121.92 x 79.38 x 73.66 cm.

Intérieur du Pop Shop en 1986. Capture d’écran obtenue à partir du documentaire Keith Haring, The Message, Maripol, 2013.

Intérieur du Pop Shop en 1986. Capture d’écran obtenue à partir du documentaire Keith Haring, The Message, Maripol, 2013.

Intérieur du Pop Shop en 1986. Capture d’écran obtenue à partir du documentaire Keith Haring, The Message, Maripol, 2013.

Keith Haring, A Piece of Art, service à petit déjeuner, 1989-1990, céramique, Hans Mayer Gallery, Düsseldorf.
● AFP, « Rétrospective Keith Haring à Lyon », 2008, in Institue Nationale de l’Audiovisuel [en ligne]. Disponible sur : <http://www.ina.fr/video/VDD08001968> (consulté le 14/04/17).
● GRAY Steve, « Street Art Legends : Best of Keith Haring Art », in Widewalls [en ligne]. Disponible sur : <http://www.widewalls.ch/street-art-legends-best-of-keith-haring-art/> (consulté le 15/04/17).
● « Keith Haring » in Wikipédia [en ligne]. Disponible sur : <https://fr.wikipedia.org/wiki/Keith_Haring> (consulté le 14/04/17).
● Maripol, Keith Haring, The Message, 2013, in Dailymotion [en ligne]. Disponible sur : <http://www.dailymotion.com/video/xzb9ki_keith-haring-the-message-version-integrale_creation> (consulté le 14/04/17).
● Musée d’art contemporain de Lyon, « Exposition Keith Haring : Dossier pédagogique », 2008, in MAC Lyon [en ligne]. Disponible sur : <http://www.mac-lyon.com/static/mac/contenu/fichiers/dossiers_pedago/dossier_pedago_haring.pdf> (consulté le 14/04/17).
● YOUSSI Yasmine, « Keith Haring, l’homme qui faisait parler les murs de Manhattan », 2013, in Télérama [en ligne]. Disponible sur : <http://www.telerama.fr/scenes/il-faisait-parler-les-murs-de-manhattan,96281.php> (consulté le 14/04/17).
Pour Keith Haring, l’art doit faire partie de la vie, du quotidien, et c’est pourquoi il décline ses motifs sur tout type de support, laissant de côté la traditionnelle toile sur châssis. Il privilégie en particulier les matériaux peu coûteux et industriels : papier, métal, bâche en vinyle ou goudronnée, textiles, murs de la ville, et même des véhicules. Son œuvre se compose donc de dessins, tableaux, sculptures, peintures murales, objets peints et sérigraphies imprimées sur tout type de médium. Il prendra aussi le corps pour support lors de certaines de ses performances, notamment en peignant le corps de Grace Jones afin de la métamorphoser en une sorte de déesse vaudou.