
Keith Haring
1958-1990
Outre des œuvres réalisées illégalement, Keith Haring a aussi été sollicité pour réaliser des commandes publiques, notamment une animation pour le panneau d’affichage Spectacolor de Time Square, à New York. Le projet a été organisé par la Public Art Fund et permet à Keith Haring de proposer une animation de 30 secondes de ses dessins les plus iconiques (comme le radiant baby ou le chien), se répétant toutes les 20 minutes pendant un mois. En affichant ainsi son œuvre sur la célèbre place de Time Square, il permet à l’art d’occuper l’espace d’une toute autre manière. L’art de Keith Haring, en général, est comme une installation qui investit toute la ville.
L'ART DE RÉINVESTIR L'ESPACE PUBLIC

Keith Haring, Untitled, 1982, craie blanche sur papier, New York (aujourd'hui disparue). Photographie : Ivan Dalla Tana.

Keith Haring, Untitled, 1983, craie blanche sur papier, 124,4 x 172,7 cm, New York (aujourd'hui disparue). Photographie : Ivan Dalla Tana.

Keith Haring, Untitled, 1984, craie blanche sur papier, 224,8 x 116,8 cm, New York (aujourd'hui disparue). Photographie : Ivan Dalla Tana.
En dehors du métro, n’importe quelle surface de la ville de New York devient, pour Keith Haring, un support de création. En 1982, il crée sa première grande peinture murale extérieure sur le Houston Bowery Wall de New York se situant à l’angle de la Houston Street et de l’avenue Bowery. Réalisée en partenariat avec Juan Dubose, cette œuvre apparait comme un emblème de la scène artistique montante de l’East Village et est aujourd’hui ancrée dans l’histoire du graffiti et de l’art de rue. Même si l’œuvre n’existe plus aujourd’hui, le Houston Bowery Wall demeure, depuis 2008, un espace de création extérieur permanent où s’expriment de nombreux artistes de rue célèbres.
En 1986, Keith Haring crée la célèbre peinture murale Crack is Wack sur un terrain de handball entre la 128th Street et la 2nd Avenue. Pour avoir réalisé son œuvre illégalement, Keith Haring reçoit d’abord une amende de 25$ avant que son œuvre soit placée sous la protection du Département des parcs de la ville en raison de son statut d’artiste reconnu. En effet, loin d’être un acte de vandalisme, l’œuvre de Keith Haring dénonce la forte consommation de « crack » (un dérivé puissant de la cocaïne) dans le quartier de l’Est Village. Malheureusement l’œuvre est vandalisée par un anonyme qui modifie son message original en une apologie de la drogue. Choquée, la municipalité propose alors à Keith Haring de repeindre son mur et lui offre également le versant du mur pour donner plus de poids à son message. Restaurée en 2007, l’œuvre est aujourd’hui la seule fresque de Keith Haring qui subsiste encore. Comme on peut le voir sur la deuxième version de l’œuvre ci-dessous, Keith Haring a représenté sur un aplat rouge vif une foule de personnages s’entassant les uns sur les autres dans une sorte de fausse commune, comme autant de victime consentante du « crack ». En effet, le squelette du premier plan démontre cette ambiguïté entre une prise de drogue assumée, un dépouillement économique et une perte de vitalité évidente.

Keith Haring, Untitled, 1982, peinture murale, Houston Bowery Wall, New York (aujourd'hui disparue).

Keith Haring en train de réaliser la version originale du Crack is Wack, 1986, 128th Street et 2nd Avenue, New York. Photographie : Juan Rivera.

Keith Haring, Crack is Wack, 1986, 128th Street et 2nd Avenue, New York (deuxième version). Photographie : Jim Kieman.

Keith Haring, Crack is Wack, 1986, peinture murale, 128th Street et 2nd Avenue, New York (verso).

Keith Haring, Times Square Spectacolor Animation, 1982, panneau lumineux, Time Square, New York. Photographie : Tseng Kwong Chi.

Keith Haring, Times Square Spectacolor Animation, 1982, panneau lumineux, Time Square, New York. Captures d’écran obtenues à partir du documentaire Keith Haring, The Message, Maripol, 2013.
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● Maripol, Keith Haring, The Message, 2013, in Dailymotion [en ligne]. Disponible sur : <http://www.dailymotion.com/video/xzb9ki_keith-haring-the-message-version-integrale_creation> (consulté le 14/04/17).
● ROUGÉ Bertrand, « HARING KEITH - (1958-1990) », in Encyclopædia Universalis [en ligne]. Disponible sur : <http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/keith-haring/> (consulté le 15/04/17).
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● The Keith Haring Foundation. Bio. In The Keith Haring Foundation [en ligne]. Disponible sur : <http://www.haring.com/!/about-haring/bio> (consulté le 14/04/17).
L’art de Keith Haring est autant présent dans la rue que dans les galeries, faisant de lui une légende de l’art de rue et un artiste contemporain reconnu. Dès le début de sa carrière, il prend rapidement conscience de l’indépendance de l’artiste et décide d’exercer son art dans l’espace public. En effet, à la School of Visual Arts de New York, il a étudié les théories de l’art conceptuel et les problématiques liées à l’art contemporain : c’est donc une volonté mûrement réfléchie et non pas une fatalité sociologique qui le fait descendre dans la rue et dans le métro.
Keith Haring trouve dans le métro un lieu d’expérimentation artistique en se confrontant aux problèmes et aux libertés liés à ce moyen d’expression : travailler rapidement, dans l’illégalité, avec des moyens rudimentaires. Par ailleurs, c’est aussi le moyen pour lui d’être dans un contact direct et permanent avec son public. Il s’agit pour lui de relier l’art et la vie, de faire en sorte que l’art fasse parti du quotidien des usagers du métro qui n’allaient pas forcément au MoMA ou au Met Museum. Son but est donc d’amener directement l’art au public, et non l’inverse.
Comme on peut le voir ci-dessous, les dessins du métro réalisés à la craie blanche s’exposent aux côtés d’éléments publicitaires caractéristiques de leur époque. Ces œuvres prennent la place d’affiches publicitaires, non pas pour proposer un produit à vendre, mais pour s’offrir aux yeux du public. Keith Haring s’oppose à un art élitiste, décoratif et commercial pour proposer un art accessible et sans but lucratif.